Par contre, les monosyllabes sont trиs nombreux dans ces deux catйgories de mots (le, les, des, qui, que, mais, main, nez, bras, monte, parle, etc). Ces monosyllabes sont parmi les mots les plus frйquents.
L'analyse d'un certain nombre de textes suivis a permis de constater que les mots contenant une syllabe forment environ 61% et les mots а deux syllabes forment prиs de 25% de l'ensemble des mots rencontrйs. Cet йtat de choses est le rйsultat d'un long dйveloppement historique qui remonte а l'йpoque lointaine de la formation de la langue franзaise du latin populaire (ou vulgaire). Pour la plupart les monosyllabes sont le rйsultat des nombreuses transformations phonйtiques subies par les mots latins correspondants formйs de deux ou trois syllabes; cf.: homme < lat. « homo », main < lat. « manus », вme < lat. « anima ».
Le franзais possиde naturellement des mots а plusieurs syllabes; toutefois il y a visiblement tendance а abrйger; es mots trop longs auxquels la langue semble rйpugner (mйtropolitain > mйtro, stylographe > stylo, piano-forte > piano, automobile > auto, mйtйorologie < mйtйo; cf. aussi avion qui s'est substituera aйroplane, pilote а aviateur).
Cette tendance а raccourcir les mots, qui s'est manifestйe а toutes les йpoques, a pour consйquence un autre phйnomиne caractйristique du vocabulaire franзais - l'homonymie) Un grand nombre de mots a coпncidй quant а la prononciation а la suite de modifications phonйtiques rйguliиres.
C'est surtout parmi les monosylabes que l'on compte un grand nombre d'homonymes; cf.: ver <. lat. « verrais », vers (subst); lat. « versus », vers (prйp) < lat. « versus », vert < lat. « vendis-». - D'ici de nombreuses sйries d'homonymes: par, part, pars~; cher, chair, chaire ', air, иre, aire, hиre, erre (il), etc. A la suite de l'homonymie le mot perd de son autonomie. Toutefois les distinctions sйmantiques et grammaticales des homonymes trouvent un support dans l'orthographe (а l'exception des cas d'homographie: goutte, gouttй), qui rend un service incontestable, en prenant dans l'йnoncй йcrit une importance particuliиre. Grвce а l'orthographe et au contexte l'homonymie ne prйsente point de sйrieux inconvйnient ainsi que le pensent certains linguistes qui qualifient ce phйnomиne naturel de pathologique l. En rйalitй les homonymes se laissent facilement identifier et les cas de confusion dans-la parole sont pratiquement rйduits а zйro. Lа, oщ la confusion est possible « il suffit de faire intervenir dans les йnoncйs... une modification minimale pour que leur signification se trouve prйcisйe ». s Ainsi, en franзais nous avons:
L'association des maires de France,
L'association des mиres de France, etc. Or, pour йchapper а l'ambiguпtй, il suffit de dire dans le deuxiиme cas:
L'association des mиres franзaises,. etc. » 8
Quant а la syllabation des mots franзais elle est reconnue comme йtant remarquablement uniforme et simple. Ce sont les syllabes ouvertes qui forment prиs de 70% dans la chaоne parlйe. Surtout frйquentes sont les syllabes ouvertes du type consonne-voyelle (par exemple: [a-vi-za-se] - envisager, \ ede-pв-dв] - indйpendant), moins nombreuses sont les syllabes des types consonne-consonne-voyelle et voyelle (par exemple: [blй-sel - blesser, [tru-ble] - troubler, [e-ku-te] - йcouter). Parmi les syllabes fermйes on rencontre surtout le type consonne-voyelle-consonne (par exemple: [sur-nal] - journal, [par-tir] - partir). Les autres types sont rares. * Cette particularitй de la structure syllabique des mots franзais contribue а son tour а l'homonymie.
Le mot franзais peut commencer par n'importe quelle consonne, toutefois les semi-consonnes initiales [j] [w] [uj
,sont rares; de mкme que le h «aspirй» (haine, haпr, haricot, haie, onze, un (nom de nombre, etc).
On ne compte qu'un certain nombre de mots commenзant par [z] (zиbre, zйro, zinc, zone, zoo), par un [t]] dans l'argot ou le langage familier (gnaule, gnaf, gnouf).
Relativement peu nombreuses aussi sont les combinaisons de consonnes au dйbut du mot. Ce sont, au cas йchйant, des groupes de deux consonnes dont le premier йlйment est une occlusive [p], [t], [k], [b], [dl, [g] ou une spirante labiale [f], [v] suivie d'une liquide [1], [r] ou d'une semi-voyelle [w],
lj], luJ-
Ce sont aussi les combinaisons initiales comportant trois consonnes dont une liquide et une semi-voyelle: [prw], [plw], [plq], [trw], [trq], [krw], [krq], etc.
Les autres combinaisons de deux ou de trois consonnes aussi bien au dйbut qu'а l'intйrieur du mot sont rares (pneumatique, phtisie, stress, strident, strapontin, esclandre, escrime), apparaissant, comme rиgle, dans des mots d'emprunt.
Quant aux voyelles le franзais rйpugne aux hiatus а l'Intйrieur des mots (cf. apprйhender, mйandre), il est exempt de diphtongues.
Notons aussi le service rendu par les phonиmes dans la distinction des vocables diffйrents.
A. Sauvageot souligne le rфle exclusif de la consonne initiale dans la diffйrenciation des mots. « II arrive, dit-il, qu'une mкme voyelle fournisse presque autant de vocables qu'il y a de consonnes pour la prйcйder: pont/ ton/ bon/ don/ gond/ fond/ font/ vont/ long/ mont/ nom/ rond/ sont/ son/ jonc/, etc. »
La voyelle aussi a une valeur diffйrencielle trиs impor tante. Dans le schйma consonnantique. p-r selon la voyelle on a: "
par, part
port, porc, pore
pour
pиre, paire, pair
peur
pur
Telles sont а grands traits les possibilitйs combinatoires des phonиmes franзais.
Dans la langue russe les mots dans la chaоne parlйe sont gйnйralement marquйs de l'accent tonique, ce c [ui facilite leur dйlimitation. Il en est autrement pour le franзais oщ les mots phonйtiquement se laissent difficilement isoler dans le discours; privйs de l'accent tonique propre, ils se rallient les uns aux autres en formant une chaоne ininterrompue grвce aux liaisons et aux enchaоnements. On dйgage, en revanche, des groupes de mots reprйsentant une unitй de sens et qui sont appelйs « groupes dynamiques ou rythmiques » avec un accent final sur la derniиre) voyelle du groupe.
Cette particularitй de l'accentuation fait que le mot franзais perd de son autonomie dans la chaоne parlйe. La dйlimitation phonйtique des mots йmis dans la parole en est enrayйe. Ceci explique les modifications de l'aspect phonйtique survenues а certains mots au cours des siиcles. Les uns se sont soudйs avec les mots qui les prйcйdaient, dont l'article dйfini; c'est ainsi que ierre est devenu lierre, endemain - lendemain, nette - luette, oriot-loriot; d'autres, au contraire, ont subi une amputation: lacunette (=petit canal) s'est transformй en la. cunette car on a pensй а l'article prйcйdant un substantif; de mкme ni1 amie a йtй perзu comme ma mie et l'agriotte comme la griotte (dans l'argot).
Toutefois il serait abusif d'insister sur l'absence totale de limites entre les mots dans la chaоne parlйe en franзais. En effet, certains indices phonйtiques contribuent а dйgager les mots dans le discours. Ainsi, par exemple, le son [z] qui apparaоt dans les liaisons signale la jointure entre deux mots. Il en est de mкme de l'hiatus qui, comme nous l'avons signalй, est rare а l'intйrieur du mot, mais assez rйgulier а la limite des mots.1 Un indice important est l'йventualitй d'une pause en fin de mot dans la chaоne parlйe.
§ 6. Caractйristique grammaticale du mot en franзais moderne. Les unitйs essentielles de - la langue йtroitement liйes l'une а l'autre sont le mot et la proposition. Les mots acquiиrent dans la proposition une force particuliиre en tant qu'йlйment de la communication. C'est en se groupant en propositions d'aprиs les rиgles grammaticales que les mots manifestent leur facultй d'exprimer non seulement des notions, des concepts, mais des idйes, des jugements. Dans la proposition les mots autonomes remplissent les fonctions de diffйrents termes, dits termes de la proposition (du sujet, du verbe, du complйment, etc), tandis que les mots non - autonomes йtablissent des rapports\variйs entre les termes ou les parties de la proposition. La facultй de former des propositions afin d'exprimer des. jugements constitue une des principales caractйristiques grammaticales des mots. "i Une autre particularitй du mot consiste dans ce qu'il appartient а une des parties du. . discours. . Ainsi, on distingue les substantifs, les adjectifs, les adverbes, les verbes, les pronoms, etc. Les parties du discours sont йtudiйes par la grammaire: elles constituent la base de la morphologie. C'est а partir des propriйtйs des parties du discours que la grammaire crйe les rиgles des groupements de mots, les rиgles qui sont le produit d'un long travail d'abstraction de la mentalitй humaine. Il serait pourtant faux de traiter les parties du discours de catйgories purement grammaticales. En effet, les parties du discours se distinguent les unes des autres par leur sens lexical: les substantifs dйsignent avant tout des objets ou, des phйnomиnes, les verbes expriment des actions ou des йtats; les adjectifs - des qualitйs, etc. C'est pourquoi il serait plus juste de nommer les parties du discours catйgories lexico-grammaticales.
La composition morphйmique des mots est aussi йtudiйe par la grammaire, pourtant elle a un intйrкt considйrable pour la lexicologie. La facultй du mot de se dйcomposer en morphиmes prйsente une des caractйristiques grammaticales du mot qui, en particulier, le distingue du morphиme. Ce dernier, йtant lui-mкme la plus petite unitй significative de la langue, ne peut кtre dйcomposй sans perte de sens. Ainsi, le mot amener comporte trois morphиmes: a-tnen-er, mais on ne peut plus dйcomposer ces derniers en plus petites unitйs significatives. On peut seulement en dйterminer la structure phonique, en isoler les phonиmes. Les phonиmes ne possиdent point de sens propre, ils ne servent qu'а distinguer les morphиmes: (cf.: amener et emmener; mener et miner). Ce sont principalement les mots autonomes qui se laissent dйcomposer en morphиmes. Quant aux mots-outils, dont beaucoup se rapprochent а certains йgards des morphиmes, ils constituent gйnйralement un tout indivisible.
Parmi les mots autonomes, il y en a de simples qui sont formйs d'une seule racine. Tels sont: homme, monde, terre, ciel, arbre, table, porte, chambre, etc. Ces mots pourraient кtre aussi appelйs « mots-racines ». Plus souvent les mots contiennent une ou plusieurs racines auxquelles se joignent des affixes (les prйfixes placйs avant et les suffixes placйs aprиs la racine) et les terminaisons (ou dйsinences). On dis - lingue encore le thиme (ou le radical), c'est-а-dire la partie du mot recelant le sens lexical et prйcйdant la terminaison. Ainsi, dans l'exemple: Nous dйmentons les calomnies des fauteurs de guerre, le mot dйmentons comprend la racine - ment-, le prйfixe dй-, le thиme dйment-, la terminaison - ons. La racine recиle le sens lexical fondamental du mot. Le thиme qui comporte tout le sens lexical du mot s'oppose а la dйsinence qui est porteur d'un sens grammatical.
Dans le franзais moderne le thиme apparaоt exclusive-, ment dans la conjugaison des verbes qui ont conservй jusqu'а prйsent des traits de l'ancien synthйtisme, tandis que dans les nominaux, depuis la destruction, du systиme de dйclinaison, le thиme ne se laisse plus dйgager, il coпncide avec le mot. Les finales des substantifs et des adjectifs telles que animal - animaux, paysan - paysanne; blanc - blanche, fin - fine ne sont plus des dйsinences mais de simples alternances phoniques а valeur grammaticale.
Dans les travaux des linguistes franзais le terme « thи me » s'emploie encore pour dйsigner la partie du mot а la - . quelle s'applique l'un ou l'autre affixe servant а former ce mot. Il serait plus exact de nommer cette partie du mot thиme de formation (ou «base formative»), afin de la dis tinguer du « thиme » proprement dit qui s'oppose а la dйsi nence а valeur grammaticale. Ainsi, par exemple, dans ac climatation le thиme de formation est prйsentй par la partie acclimat - а laquelle s'applique le suffixe - ation. Les thиmes de formation peuvent кtre ou non en corrйlation avec des mots indйpendants. Ils sont respectivement appelйs libres comme dans refaire, laitiиre, cache-nez (cf. faire, lait, cache, nez) et liйs comme dans fracture, bibliothиque (cf. fraction; biblio phile; filmothиque). A l'encфntre du «thиme», «le thиme de formation » ne, recиle guиre, comme rиgle, tout le sens lexical du mot. '"ff' • '
Les affixes appliquйs au thиme de formation peuvent tout simplement en modifier le sens. Tels sont les cas de jardinet, maisonnette, refaire. Plus souvent les rapports sйmantiques entre le thиme de formation et l'affixe sont plus compliquйs; dans ces derniers cas, on crйe des mots qui se distinguent essentiellement par leur sens du thиme de - for-mation. Ainsi le mot Franзais (m) n'exprime point une espиce de France, mais un habitant de ce pays; une laitiиre n'est pas une sorte de lait, mais une femme qui vend ce produit.
Donc, les affixes peuvent confйrer aux mots qu'ils for tique et ne servent qu'а former les variantes, grammaticales dкsverbes, _ce qui nous autorise а les qualifier de morphиmes. - Il n'est ^вrTois pas moins difficile d'йtablir'les., limites. entre un mot et un groupe de mots. Parmi les linguistes soviйtiques qui ont traitй le problиme du mot et ses limites, il faut nommer tout d'abord le professeur A.I. Smirnitsky. Il a dйmontrй de faзon probante que le mot est caractйrisй par une intйgritй sйmantique et formelle. Toutefois, l'intйgritй sйmantique qui se traduit par la facultй d'exprimer une notion, un concept, caractйrise non seulement les mots, mais aussi bien les groupes de mots. Il en est autrement pour l'intйgritй formelle qui appartient en propre aux mots et sert, par consйquent, de vйritable critиre distinctif. '
_ Pour la plupart, les mots se laissent aisйment distinguer des groupes de mots; tel est le cas des mots simples ou mots-racines et des mots dйrivйs formйs par l'adjonction d'af-fixes. La distinction des mots composйs, qui par leur structure se rapprochent le plus des groupes de mots, prйsente de sйrieuses difficultйs. Celles-ci sont surtout grandes dans la langue franзaise oщ les mots cb'mposйs sont souvent formйs d'anciens, groupes de mots.
En appliquant а la langue franзaise le critиre avancй par le professeur A.I. Smirnitsky, on devra reconnaоtre que les formations du type fer а repasser, chemin de fer% pomme de terre sont, contrairement а l'opinion de la plupart des linguistes franзais, des groupes de mots, tandis que bonhomme^ basse-cour, gratte-ciel sont des mots.
Donc,, il faut faire la distinction entre un mot et un morphиme, d'un cфtй, un mot et un groupe de mots, de l'autre 1 II reste fort а faire pour fixer les limites du mot; c'est un problиme ardu qui exige un examen spйcial pour chaque langue.
§ 7. L'identitй du mot. Envisagй sous ses aspects phonйtique, grammatical et sйmantique le mot prйsente un phйnomиne complexe. Pourtant dans l'йnoncй, dans chaque cas concret de son emploi, le mot apparaоt non pas dans toute la complexitй de sa structure, mais dans une de ses multiples formes, autrement dit, dans une de ses variantes.
Comment savoir si nous avons affaire а des mots distincts ou aux variantes d'un seul et mкme mot? De mкme que pour les mots diffйrents les variantes admettent des distinctions d'ordre matйriel (l'enveloppe sonore) et d'ordre idйal (le sens). Toutefois ces distinctions matйrielles et idйales ne sont possibles que dans une certaine mesure, dans un cadre dйterminй. Pour les variantes ces distinctions ne seront que partielles et ne dйtruiront jamais l'intйgritй du mot.
Quelles sont donc les variantes possibles d'un mot?
Ce sont:
-les variantes de prononciation: [mitinl et [miteg] pour meeting, iby] et [byt] pour but, [u] et [ut] pour aoыt, [mњ: r] et [moers] pour mњurs, [egzal et [egzakt] pour exact, [k5ta] et [kфtakt] pour contact; - les variantes grammaticales:
dors, dormons, dormez; - les variantes pseudo-formatiyes (lexico-grammaticales): maigrichon et maigriot, maraude et maraudage; - les variantes lexico-sйmantiques:
notionnelles: palette - « plaque sur laquelle les pein tres йtalent leurs couleurs » et « coloris d'un peintre »;
notionnelles-affectives: massif - « йpais, pesant », au figurй esprit massif - « grossier, lourd »; moisir - « cou vrir d'une mousse blanche ou verdвtre qui marque un commen cement de corruption », au figurй moisir quelque part - « de meurer inutile, improductif »;
-les variantes stylistico-fonctionnelles:
а support phonique: oui - littйraire et ouais - po pulaire, aristocrate - littйraire et aristo - familier;
а support notionnel-affectif: marmite - «rйcipient»
littйraire et « gros obus» - familier;
les variantes orthographiques: gaоment et gaiement, soыl et - saoul.
Il est а noter,que les modulations grammaticales et stylistico-fonctionnelles n'attaquent jamais l'intйgritй du mot. Dans j'ai dormi et je dormirai nous avons le mкme verbe dormir malgrй l'opposition des temps.
Il en est autrement pour les modulations phoniques et notionnelles. Des distinctions phoniques ou notionnelles radicales amиneraient а l'apparition de mots diffйrents. En effet, malgrй l'identitй de leur aspect phonique calcul - « opйration arithmйtique » et calcul - « concrйtions pierreuses » sont deux mots du fait que les notions qu'ils expriment n'ont rien de commun. Les termes thиme et radical а sonoritй diffйrente sont des mots distincts malgrй l'identitй de leur valeur sйmantique. Pour qu'il y ait variantes d'un mкme mot il ne doit pas y avoir d'interdйpendance
entre les modulations dans leur enveloppe sonore et leur valeur notionnelle, mais il suffit d'avoir en commun quelque trait fondamental quant а l'aspect phonique et la valeur notionnelle. Pour l'aspect phonique cette communautй se traduit par la prйsence dans les variantes de la mкme racine qui constitue la base de la structure matйrielle du mot. La communautй notionnelle consiste dans le lien qui s'йtablit entre les divers sens du "mot.